L'art peut être considéré comme un moyen de créer de la beauté là où il n'y en a pas. Le sommet de l'art est donc de créer cette même beauté à partir d'une matière première disgracieuse, une matière qui s'écarte de la beauté. L'art est un domaine purement humain car il n'y a pas d'art sans homme. D'ailleurs il n'y a ni beauté ni laideur sans jugement humain préalable. Si l'homme veut faire de l'art, c'est-à-dire créer de la beauté à partir de la laideur, pourquoi ne s'attèle-t-il pas à ce qui lui tient le plus à coeur : le regard de l'autre ? Il ferait ainsi d'une pierre deux coups. L'individualisme et la société actuelle portent la beauté physique au rang de but ultime des relations intersubjectives. L'art pourrait donc permettre de modeler un corps afin d'en faire un chef d'oeuvre.

La science a longtemps été synonyme de progrès, avant d'être source d'inquiétude. La chirurgie esthétique est apparue récemment comme opposition à la chirurgie utile et fonctionnelle. Le corps peut fonctionner sans être esthétique. Or l'art n'a par définition aucune utilité, intrinsèque. Il vit à travers le regard et le jugement, tout comme la beauté d'un corps ( et non pas le corps en lui-même, en tant que somme de cellules). La chirurgie est donc totalement atypique puisqu'elle utilise la science à des fins pour ainsi dire inutiles et esthétiques. Elle est donc le croisement entre ces deux disciplines opposées. Et comme tout pont entre deux domaines opposés dans leurs finalités, elle suscite bien souvent d'amères critiques, bien souvent injustes et hypocrites.

D'une même manière, l'art est souvent utilisé comme une thérapie. Que dire de ces personnes qui se sentent mal dans leur peau à cause d'un défaut physique qui les obsède continuellement ? Ils font en général le bonheur des émissions de téléréalité (très présentes sur les chaînes américaines) basées sur la chirurgie esthétique qui vient alors en sauveuse des âmes faibles et délaissées, des corps ingrats et des jugements blessants. C'est dans ce sens précis que l'art peut être une thérapie. L'accès à l'esthétique, à la beauté, est un chemin vers le bien être qu'on aurait tord de dénigrer.

Enfin, il existe un ultime lien entre chirurgie esthétique et art. L'art est trivialement considéré comme un « moyen de s'exprimer », un symbole de notre intérieur, une fenêtre ouverte de nos émotions, nos aspirations et notre subconscient. Et qu'est ce que la chirurgie esthétique si ce n'est l'expression d'un mal-être ? Il s'agit bel et bien du symbole d'une tristesse, de la vision d'une injustice que la naissance ou l'âge a apporté. Et au lieu d'exprimer ce désarroi par des années de ruminations mélodramatiques, mieux vaut y faire face et exprimer ce désarroi : « oui je ne me sens pas bien dans mon corps, mais je ne me lamente pas, je contrôle mon corps et mon malheur ». Dans cette optique, il existe donc un lien intrinsèque entre beauté et art, à savoir l'expression de sentiments, et leur contrôle.

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